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Le mécontentement des intermittents s’est fait ressentir ses dernières années depuis que les annexes 8 et 10 ont été modifiés pour instaurer de nouvelles règles plus contraignantes pour les intermittents, dans un objectif de réduire l'assurance chômage. En raison de l'ampleur qu'à pris ce conflit, plusieurs sociologues se sont penchés sur le problème. Un conflit qui a éclaté entre l’ensemble des intermittents du spectacle, les groupes syndicaux, l’UNEDIC et le ministère de la Culture (l’Etat). Nous allons étudier ici dans cet article le conflit d'une autre façon: avec la vision de Matthieu Grégoire, Olivier Pilmis, Pierre Michel Menger ou encore Jérémy SINIGAGLIA. Ces auteurs tous sociologues sont spécialisés dans le conflit qui fait face aux intermittents. Tous on rédigés de nombreux travaux sur ce sujet, dont nous proposons une analyse si dessous.

Premièrement, un portrait de la situation des intermittents est à démontrer afin de mieux comprendre le conflit, qui présente un coté paradoxale, du fait que les intermittents soient partagés entre leur amour du métier et les contraintes qui touchent le monde artistique.

Pour comprendre de quoi il est question, il est nécessaire de savoir tout d’abord qu’est ce qu’un intermittent du spectacle. L’intermittence du spectacle est d’abord un régime d’emploi : les intermittents du spectacle ne sont embauchés que sous la forme d’engagements temporaires. L’intermittence, par son régime, propose une diversification des activités professionnelles. En effet l’intermittent n’a pas de poste ni d'employeur fixe, son régime fait qu'il doit accumulé plusieurs petit contrat pour honorer son statut d'intermittent. La diversification des activités professionnelles qui est observée dans le milieu est considérée comme une richesse pour les intermittents du fait qu’elle leur permet de poursuivre des carrières différentes, qu’une activité unique ne leur permettrais pas. La combinaison d’un travail «voulu» et d’activités «subies» entretient ainsi l’espoir des entrants et donne un sens au travail qu’ils considèrent comme «subi».

Par la suite, il est nécessaire de connaître le milieu pour mieux comprendre les causes du conflit mais surtout de savoir qui lutte ? Et pourquoi ? Pour les sociologues, qui déterminent l'intermittence comme un régime paradoxale, l’intermittent s’interroge sur comment aimer son métier quand il n’arrive pas à vivre de ce métier ? Afin d’y répondre Matthieu Grégoire avance ceci : « la précarité est le prix de l’autonomie » en effet selon lui le sentiment de liberté dont jouissent les intermittents ne peut pas leur assurer un travail constant et sécurisé. Au risque de se retrouver dans une situation de précarité. En effet la précarité touche plus le monde du spectacle vivant, car les petites entreprises engendrent des coûts salariaux et organisationnels importants. Leur recette ne leur permet donc pas d’équilibrer leur budget, ils ont besoin de financement extérieur, à savoir des subventions publiques. Sauf que pour Jérémy Sinigaglia «la précarité reste une situation subie qui marque la carrière des professionnels du spectacle par l’insécurité sociale qu’elle engendre». La précarité n’est alors plus une simple routine mais elle engendre une aggravation de la situation de l’intermittent. J.Sinigaglia comprend alors que : « précarité rime avec incertitude». Ils sont dans l’incapacité de prévoir leur situation à l’avance. Ils ont plutôt intérêt d’avoir un panel de savoir et savoir-faire dans ce métier et ne pas être spécialisé dans un seul domaine. Olivier Pilmis, par son approche du marché de l’emploi de l’intermittent nous dévoile une autre facette du régime. En effet l’organisation des carrières « en régime d’incertitud » et plus précisément à saisir la manière dont les individus tentent de la contrôler, de la réduire et de produire de la stabilité et de la prévisibilité.

L’art en France se traduit de plus en plus par désintégration verticale de la production.Un terme qui signifie que les employeurs font appel à de plus en plus d'intermittents dans une seule mission. Ce processus de désintégration verticale a transformé en norme la fragmentation de l’activité en emploi de courte durée. Dans les arts du spectacle, on distingue deux types d’organisation, d’un côté les entreprises artistiques employant un personnel permanent à plein temps et sur un contrat pluriannuel, mais qui reste une faible partie de la population artistique, leur permettant de progresser dans des carrières relativement sûres et planifiées. L’autre types d’organisations est appelé « organisations temporaire ».

Pour Mathieu Grégoire «le fonctionnement d’un régime d’emploi flexible dans le cadre d’une économie de projet peut paraître à première vue constituer un formidable moyen de coordination». Les intermittents bénéficient ainsi d’une grande liberté au niveau de la gestion de leur emploi du temps et ceci en fonction de la demande des producteurs et autres. Sauf que leur emploi du temps est remis en cause du fait de nombreuses contraintes qui se présente à eux. Notamment par le manque de formalisation de certains contrats de travail, du non respect du temps de livraison de certains projets, ou les dates qui sont tout le temps repoussées, ce qui remet l’intermittent dans une situation de oisiveté (chômage) subit ou dans celle de celui qui doit fournir son travail dans un temps limité. Pierre-Michel Menger relève que l’analyse de l’offre sur le marché du travail conduit ordinairement a dire qu’un individu ayant un contrat de travail (aussi bref soit-il), dans un secteur donné, est présumé pouvoir y développer sa carrière, or dans le monde du spectacle, qui représente la forme de l'emploi flexible et discontinu, seulement une partie se professionnalise. P-M. Menger continue sur le taux de recours aux deux espèces de contrat de travail (CDD et CDI) dans le secteur du spectacle. Celle-ci a permis de démontrer que la dynamique de croissance s’est exprimée essentiellement dans la création d’emploi intermittent, et que la dynamique de concurrence a provoqué la substitution systématique d’emploi intermittent à des emplois permanents. Il serait donc impossible de maintenir l’hypothèse que la création d’emploi dans le secteur du spectacle ne se serait réalisée que sur les activités et les métiers dont l’exercice est « par nature » temporaire : une substitution à grande échelle a été opérée, qui s’ajustait à des choix organisationnels et économiques de réduction des coûts fixes de main-d’œuvre, d’augmentation de la flexibilité interne et de la production par relation de coopération et de sous-traitance entre entreprise. Ce sont les caractéristiques de la désintégration verticale de l’activité. C’est ainsi que s’explique le fait surprenant que le nombre d’employeurs puisse augmenter plus vite que celui des salariés employés sous contrat en CDD d’Usage.

Cependant ce qui est dommage c’est que les apparences essaient de démontrer une bonne relation salariale marchande alors que c’est tout le contraire car ils existent de nombreux facteurs de dépendance aux employeurs. Alors, si l’échange subordination contre protection n’apporte pas tout le monde à l’échelle d’un employeur et d’un salarié, la relation de sujétion peut être redoublée au niveau d’un collectif plus large et plus diffus.

O. Pilmis va ainsi démontrer dans une confrontation de deux métiers différents de l’intermittence : le pigiste et le comédien. Ces deux groupes se soumettent à la règle de présomption de salaire mais ils présentent cependant d’importantes différences structurelles. Ces deux statuts ont une intégration au salariat différente avec des principes opposés de segmentation du marché. Les pigistes ont une intégration au salariat qui est certes tardive mais presque totale, la protection sociale spécifique leur faisant défaut. Alors que les intermittents du spectacle (comédien) eux sont intégrés en tant que salariés particuliers dotés d’une sécurité sociale qui s’écarte des règles communes. O. Pilmis se pose la question sur le lien entre les régimes d’emploi et la situation marchande des travailleurs jugés par le niveau de leurs revenus, par l’accès à la protection sociale et le maintien dans la carrière.

Alors, dans le mode d’analyse des revenus des intermittents il apparaît que l’intermittence permet de s’émanciper de l’équation salariale. En effet l’existence d’un régime dual d’accès au revenu (salaire brut et allocations Assedic) permet à l’intermittence de s’émanciper à la fois de l’aléa des relations marchandes et des contraintes d’une relation de sujétion-protection. M. Grégoire avance ceci « l’analyse de ce régime dual d’accès aux revenus doit aussi considérer les limites de cette émancipation qui n’est que relative, ainsi que les nouvelles contraintes qu’elle fait peser sur les intermittents». Disposer d’une indemnité après élection de la part des Assedic est considéré comme un équilibre de leur position dans la relation salariale. La comparaison entre les précaires qui ne perçoivent pas d’indemnités journalières et les intermittents régulièrement éligibles montre de manière significative combien le seuil d’accession au régime d’assurance chômage est discriminant. Sauf que la différence entre l’indemnisation des chômeurs habituels et celle des intermittents est justement le fait que ces derniers ne soient pas réellement chômeurs.

Ce qui fait que quand il existe un accès dual au revenu dans le rapport salarial, il se rompt. Il a pour ainsi effets de causer les contraintes dans les rapports patronaux et marchands. Cela modifie le degré de contrainte mais aussi la nature du rapport salarial. En effet alors que le salarié ordinaire évolue dans une notion de temps d’emploi entre le temps de travail et le temps de pause, l’intermittent lui évolue dans une porosité de temps productifs. En somme le temps de travail des intermittents n’est pas en rapport avec le temps d’emploi déclaré.

Les intermittents accumulent en moyenne moins de jours de travail dans une année, mais auprès d’un nombre croissant d’employeurs, qui leur donne des quantités de travail de plus en plus faible. Salarié à employeur multiple, un intermittent obtient, de façon plus ou moins discontinue, des engagements, et connaît des périodes interstitielles d’inactivité et de chômage. Pour être éligible à l’indemnisation de ses périodes de chômage, il lui faut avoir accumulé un certain volume de travail dans un intervalle de temps donné, tous deux fixés par la réglementation.

Suite a cela P-M Menger souligne que « la garantie de ressources est sous le contrôle du comportement de recherche d’emploi du salarié » ce qui signifie que chacun est libre dans sa recherche d’emploi, et que si celui n’est pas en recherche active d’emploi, la chance de trouver un travail est moindre et alors sans ça, ses heures cumulées et sa rémunération seront faible, et seul l’intermittent sera responsable. Cependant l’alternance entre travail et temps libre est perçu de manière différente par les intermittents. En effet elle peut être perçue comme une période de loisir ou comme une période d’attente d’emploi. Comme le temps d’emploi, qui est lui aussi perçu différemment en fonction des emplois.

Selon Menger, le déficit de l’assurance chômage des intermittents est due à l’offre de travail qui augmenterait plus vite que la demande. La réforme de 2003 et son ajustement en 2006 ont infléchi les tendances, mais n’ont pas empêché les déficits de continuer à progresser. Sauf que pour J.Sinigaglia les enjeux qui coexistaient avant la réforme 2003 étaient de préserver les droits sociaux acquis, garantir la diversité culturelle ou mettre la lumière sur les processus de précarisation liés à la discontinuité d’emploi et de revenus. Il dénonce qu’il y a trois façons de justifier la contestation au protocole de 2003 : la proximité plus ou moins grande, dans le monde des intermittents, des différentes catégories d’acteurs et leur positionnement dans l’espace des mouvements sociaux. Mais aussi la situation dans lesquelles les acteurs s’expriment.

Cependant les intermittents sont conscients que ces enjeux de lutte contre la précarité ne leur sont pas propres mais ce sont des enjeux collectifs à tous les secteurs économiques touchés par la flexibilité salariale et l’emploi discontinu. Jérémy Sinigaglia parle d’une « introuvable cause commune », mais d’un adversaire commun: le Medef. En effet, il semble que la cause claire a priori, le refus du protocole, soit moins importante que la reconnaissance du métier d’artiste : les artistes sont des travailleurs comme les autres, ils veulent «vivre de leur métier».

Ce qui fait que beaucoup ont tendance a légitimé leurs employeurs en parlant de sacrifice consenti. En effet les intermittents acceptent d’être moins payés pour diverses raisons. Selon Mathieu Grégoire «les tentatives syndicales de faire respecter des tarifs et des conditions de travail sont comprises mais se heurtent à une attitude compréhensive des salariés vis-à-vis de (certains de) leurs employeurs ». Les raisons sont soient liés a des stratégies de carrières ou d’entretien de réseau de sociabilité qui favoriserait l’emploi. Il continue en disant ceci «les intermittents ne sont pas contraints de participer à un certain nombre de projets, ils le font parce que les projets ou les personnes qui les portent ont une valeur à leur yeux ». En gros c’est la livraison du projet qui importe plus que la qualité de la rémunération. Ainsi, la nécessité de « vivre de son métier » n’est pas incompatible à leurs yeux avec une modulation de leurs tarifs en fonction des circonstances. La posture mise en avant est celle du désintéressement.

 

Tag(s) : #analysesociologique
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